Lire ou ne pas lire, telle est la question

Dans mon précédent billet, j’ai abordé le fait que nous lisons « tout le temps ». Or, il semble que ce ne soit pas l’avis d’une partie conséquente de la population, de personnes qui trouvent que les autres ne lisent pas assez, voir de personnes qui estiment qu’elles ne lisent pas suffisamment elles-mêmes. Pourtant, la multiplication des outils et plateformes de communication devraient suffire à confirmer le fait que nous communiquons davantage, et lisons donc davantage.

Si tel est bien le cas, lire n’est pas le problème. L’enjeu est plutôt de lire du contenu de qualité, qui va en profondeur et demande donc un certain temps ainsi que de la concentration.

Nous sommes submergé.es de messages promotionnels dans les lieux publics et sur notre cellulaire, ou bien d’articles sur les chats et les bienfaits ou méfaits du télétravail. En revanche, lorsque je tombe sur un article long et détaillé, je lis les premiers paragraphes avec intérêt, avant de « scroller » de plus en plus vite vers le bas. Pas vous?

Oui, nous lisons tout le temps. Mais lisons-nous les bonnes affaires? Lisons-nous de la bonne manière?

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Dissocier le livre de la lecture

Dans les prochaines années, le gouvernement canadien allouera des fonds à la promotion du livre et de la lecture. Du livre ET de la lecture. La précision est importante car aujourd’hui, nous n’avons pas besoin de livre pour lire. À dire vrai, nous lisons tout le temps… mais pas des livres.
Le gouvernement souhaite non pas seulement promouvoir la lecture, mais également le livre. Je pose donc la fameuse question : qu’est-ce qu’un livre? Je présume que l’état fait référence aux éditions papier uniquement. En tant qu’éditrice dont les romans s’adressent plutôt aux 35 ans et moins, je sais qu’une partie de mon lectorat lit ses romans sur tablette, voire sur cellulaire. Un part de ce même lectorat n’achète de livre qu’après avoir lu et aimé la version numérique, pour se procurer une édition spéciale ou pour encourager consciemment un.e auteur.ice ou une maison d’édition. Ce lectorat ne satisfait donc qu’une moitié du mandat que s’est donné le gouvernement.
En quoi essayer de faire lire plus de « vrais » livres est important pour le gouvernement? Est-ce parce que le Conseil des arts du Canada, par exemple, ne donne de subventions qu’aux maisons d’édition qui impriment plus de 400 romans et que nous avons pertinemment qu’une partie ira à la poubelle après avoir nous avoir fait décimer des arbres pour rien? Est-ce parce que nombreuses sont les personnes estimant que lire des romans numérique ne compte qu’à moitié?
En voulant promouvoir la lecture ET le livre, est-ce qu’on s’éparpille, on s’adresse à deux segments différents – ceux qui ne lisent pas du tout VS ceux qui lisent du numérique?

Le livre est un support. Le livre est un objet. Le livre est un symbole.
Le livre n’est plus indispensable à la lecture.

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Peut-on faire de l’argent en édition?

Je reviens sur mon billet du mois dernier – l’idée du public selon laquelle les éditeurs sont incroyablement rentables, ce qui est bien éloigné de la réalité de la grande majorité des éditeurs du Québec. Pourquoi une telle croyance? Si le public pense que l’on peut faire de l’argent en édition, et bien… peut-on faire de l’argent en édition?
Je pense que oui. Sauf que : pour vendre des livres, il faut que l’on nous achète des livres (CQFD). Or, pour que l’on nous achète des livres, il faut que nous leur proposions des livres qui leur plaisent. Sauf que : si cela plaît à un trop grand monde, alors c’est une vente commerciale qui n’a aucune valeur artistique ou culturelle. Mais si nous proposons des titres qui « font avancer la littérature », alors il est certain que nous ne les vendrons qu’à un petit nombres de lecteurs – en espérant gagner un prix pour pouvoir prétendre à de plus grosses subventions.
Moralité : si trop de lecteurs apprécient un livre, alors le propos dudit livre n’est ni intéressant ni intelligent.
Un triste constat sur la façon dont l’intelligence de l’être humain est considérée, non?

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«Vous voulez voler nos manuscrits pour devenir riches!»

L’an dernier, j’ai lancé un concours de réécriture de contes pour une publication en 2024. Une utilisatrice Instagram a répondu : « Vous voulez nous voler nos manuscrits pour devenir riches ». Je me suis dit « Ben voyons donc, elle pense vraiment qu’elle écrit des lingots d’or? » Parce que la valeur marchande l’art fluctue. Parce que publier un livre, c’est toujours un pari, oui, on y croit, oui, on a des données qui nous informent sur les tendances, mais finalement, on ne peut jamais être certain de savoir si un titre va fonctionner ou pas, s’il va se vendre, remporter un prix, faire sensation ou tomber dans l’oubli. Pourtant, ce n’est pas toujours la vision du public. Pour certains d’entre eux, les éditeurs se roulent dans des piscines de billets de banque sur le dos des auteurs et autrices. Alors que 99% des maisons d’éditions du Canada fonctionnent grâce aux subventions de l’état. Pourquoi leur vision du monde de l’édition est-elle si fausse, si romancée? L’univers du livre est-il si opaque? Oui. Oh que oui.

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On ne peut se dépasser qu’une fois aux abois

L’année 2022 fut la première année de publication pour Lux&Nox. Forcément, nos titres étaient déposés à l’office en librairie et il n’y avait que peu de retours. 2023 fut différent. Oui, nos livres étaient déposés en librairie, mais nous avons reçu tous les retours de 2022. Baisse drastique du chiffre d’affaires. Pour ne pas être en négatif, il faut publier au moins un titre par mois pour que le dépôt à l’office compense les retours. Pour publier au moins un titre par mois, il faut de l’argent.
Nous avons cherché une solution. En avons discuté avec nos abonnés.
Lorsque l’on ne reçoit aucune subvention, on n’a aucune bouée de secours. Il faut se renouveler. Il faut réagir. Ce sont ces instants-là qui déterminent le fait d’être un véritable entrepreneur.
Nous pensons avoir trouvé la solution.
2024 nous confirmera ou non s’il s’agissait de la bonne décision.

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Respecter la chaîne du livre… à quel prix?

Petit à petit, je monte ma communauté de lecteurs et lectrices. Un de ces membres a demandé : préférez-vous que j’achète votre roman sur votre site internet ou en librairie?
Dilemme. Jusqu’à présent, j’ai toujours demandé d’acheter les livres en librairie, car même si je fais moins de marge, cela augmente la visibilité de Lux&Nox chez les professionnels du livre et je vois cela comme un investissement sur le long terme.
Maintenant? Je doute.
Parce que je publie de la littérature de genre sur laquelle beaucoup de professionnels lèvent encore le nez. Parce que je n’ai pas l’impression d’être soutenue par certains libraires qui préfèrent se concentrer sur des valeurs sûres. Parce que je me bats chaque jour pour promouvoir mes titres, pour finalement donner un pourcentage substantiel à d’autres qui n’auront rien fait pour les vendre.
Oui, je doute.

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Amazon VS le monde du livre

Si on veut proposer ses versions numériques via l’abonnement Kindle, il faut donner l’exclusivité à Amazon. Si nos titres sont lus dans le cadre d’un abonnement, comment l’éditeur est rémunéré? Et bien… à la page lue.
Détail trivial mais oh combien essentiel! Car dans le domaine de la Fantasy, je reçois souvent des séries de 3, 4 5 ou même 14 tomes d’auteurs et autrices souhaitant devenir le nouveau George R. R. Martin. Mais un petit éditeur québécois ne peut pas s’engager sur 10 tomes de 600 pages aussi facilement… « Coupe ton histoire », leur dis-je. Parce que le papier coûte cher. Parce que je ne suis pas capable de supporter une série de 4 000 pages. Parce que plus il y a de pages, plus le prix du livre sera élevé, et moins il sera vendu.
Mais sur Kindle? Donne-moi des séries longues, donne-moi des séries de 28 tomes avec 2 000 pages! Parce que plus le récit contient de pages, plus je gagne de l’argent. Tiens, ça me fait penser à Balzac, qui était rémunéré au mot.

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«Abandonne le papier et concentre-toi sur les livres numériques. Donne l’exclusivité à Amazon»

Il y a une subvention que l’on peut recevoir sans nécessairement avoir fait 50 000$ de revenu l’année précédente. Donnée par le Conseil des Arts du Canada, elle est d’un maximum de 30 000$ et il faut l’avoir reçue deux fois pour avoir accès aux subventions plus importantes. Je l’ai demandée après avoir bataillé pour être considérée comme une éditrice littéraire. Je ne l’ai pas reçue. Le retour fut que j’ai eu une bonne notation, excepté sur la faisabilité. C’est nous qui travaillons depuis 3 ans sur nos titres, nous savons ce qui est faisable. Le fait est que je me suis engagée avec des auteur.ices dans le but d’avoir une subvention que l’on m’a refusée.
Lux&Nox a publié un post Instagram et Facebook à ce sujet et nous avons reçu beaucoup de soutien de la part de notre communauté. Une maison d’édition avec qui nous étions connectés mais à qui je n’avais jamais parlé m’a envoyé un message. Elle a écrit : « Veux-tu qu’on s’appelle? » J’ai accepté. Sa maison d’édition existe depuis deux ans, la mienne depuis 3 ans. Nous avons discuté de nos modèles d’affaires ; Lux&Nox s’est concentré sur le livre papier imprimé au Québec, sur les auteurs canadiens et québécois, le circuit de distribution et les libraires locaux. L’autre maison d’édition s’est concentrée sur le marché français, l’exclusivité Kindle en numérique chez Amazon et les auteurs français
« Abandonne le papier et concentre-toi sur le numérique, donne l’exclusivité à Kindle », a-t-elle conseillé. Ce même Amazon qui fait flamber le prix du papier car créer des cartons génère plus de profits.
Mais elle est rentable.
Pas moi.

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«Je suis influenceuse. Donnez-moi 350$ et je vous mentionnerai dans un post.»

C’est, à peu de choses près, la proposition que j’ai reçu de la part d’une influenceuse sur Tiktok. Elle avait attaché à son courriel une grille de tarifs allant de à 75$ de gratuités pour un post jusqu’à 350$ de gratuités pour 2 posts et une mention sur un vidéo live. Sa grille était destinée aux libraires et elle ne l’avait pas ajustée pour l’envoyer aux Éditions Lux&Nox.
Elle avait 3000 abonnés Tiktok. Pas 300 000, 3000. «Je lis entre 3 et 5 romans par semaine, c’est un budget. C’est là que vous entrez en jeu. Nous y gagnerons une transmission de la passion pour la lecture et la valorisation de la culture littéraire québécoise.»
J’aurais pu me sentir insultée, ne pas lui répondre, rester agacée contre ces prétendu.es influenceur.euses qui n’ont aucune conscience de la réalité des petites maisons d’édition. Au lieu de cela, je lui ai partagé mon ressenti:
«Vous y gagnez aussi de l’argent sous forme de romans papiers gratuits, alors qu’il n’y a aucune chance que votre soutien génère suffisamment de ventes pour que nous rentrions dans nos frais. De plus, vous demandez de lire gratuitement le travail d’un.e auteur.ice sans que celui.celle-ci ne soit rémunéré.e. Nous avons effectivement des partenariats avec des influenceur.euses, mais selon des termes différents.»
Elle s’est excusée. Nous avons discuté.
Nous sommes maintenant partenaires.

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Quand le gouvernement demande comment t’aider

Il y a peu, j’ai eu un entretien privé avec une personne du Fonds du livre du Canada qui souhaitait connaître le ressenti des éditeurs sur l’aide que nous recevons de leur part, et j’ai accepté de participer à cette entrevue en me demandant si j’étais suffisamment légitime pour le faire, étant donné que je n’ai jamais reçu aucune aide de qui que ce soit. Mais au fond, n’est-ce pas le problème?
Le FLC ne commence à accorder son aide qu’aux maisons d’édition avec un revenu de 50 000$ et plus par année. Pour en arriver là, il faut déjà avoir dépensé au moins le triple. Conclusion? Monter une maison d’édition durable est un privilège de nantis.
On ne m’a pas demandé ce que les Éditions Lux&Nox apportent à la littérature québécoise, si les auteur.ices sont heureux.ses d’être publié.e.s chez nous, si nous sommes parvenus à créer une communauté de lecteur.ices autour de notre univers, quelle est notre vision. On nous a simplement demandé: gagnez-vous 50k par année? Non. Recalés.
En revanche, lors de cette entrevue, on m’a demandé quels étaient les obstacles auxquels on peut faire face lorsque l’on décide de monter sa propre maison d’édition.
Alors, je me suis confiée. Et je me suis sentie écoutée.

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